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saille, il vibre, il met en émoi toutes ses puissances de sensations, donnant à tous les sens une acuité raffinée qui évoque les jouissances tentatrices auxquelles il peut servir ; admirable instrument trop dédaigné, où dorment des mélodies inconnues !

Et puis, il se révolte et pousse au cerveau l’afflux d’un sang dont la pourpre rayonne et fume, enveloppant la pensée d’un embrasement de désirs. Il faut faire un appel fougueux de toutes ses volontés pour parvenir à chasser ce mirage d’un rêve impossible, pour apaiser toutes ces voix qui pleurent, pour crier à la vie décevante le nescio vos des suprêmes refus.

Et même, quand la volonté victorieuse plane, oiseau funèbre, sur les désirs vaincus, sur les révoltes mortes, tout n’est pas achevé, car il reste l’angoisse épouvantable du : « Comment mourir ? »

C’est bientôt dit : « Je me tuerai. » Mais songe à l’horreur du choix, songe à la cruauté de cette rêverie qui passe en revue les différentes façons de s’anéantir, discutant la probabilité des moins douloureuses ! Autant d’agonies ; car l’imagination suggère au corps la sensation de ces divers supplices, et c’est avec des râles, des essoufflements, des convulsions réelles, qu’il subit les tortures de ces « essais », les souffrant toutes, pour vouloir s’épargner de trop souffrir.

Et je ne sais pas encore comment je mourrai. J’ai peur du mal ; j’ai peur de cet arrachement forcené de mon âme à son habitacle vigoureux et jeune encore. J’ai peur que ma main ne tremble, que ma volonté ne défaille, que la lâcheté ne soit triomphante de mes résolutions.

N’être plus, ce n’est rien ; mais l’épouvante, c’est de s’en aller.