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L’homme qui a tout fait pour me perdre, de Labut, compromettant ma personne, calomniant mon talent, m’obligeant à fuir sa Revue, me créant des impossibilités parmi les autres, celui-là viendra certainement à ses fins, qui sont de se venger, de me discréditer, de m’obliger à disparaître. Il est puissant, et je suis seule. Ce n’est qu’une affaire de temps.

D’autre part, et grâce à lui surtout, ma réputation n’était plus intacte ; je l’ai achevée hier. C’est une faute, et je la regrette amèrement. J’étais folle, désespérée… J’ai voulu jouer les grandes héroïnes du vice ; je n’en ai pas la taille ; tu avais raison. On naît « cela ». Je suis née autre. Je ne peux pas. Et cependant, j’hésite encore. Si je croyais qu’après la souillure, l’impudeur viendrait ! Qui sait ?

Mais, que j’y renonce ou que je m’y décide, je ne reste pas moins la femme compromise, celle que l’on n’épouse pas. Ainsi se trouve irrémédiablement fermée pour moi, si jamais je devenais libre, la seule porte par où j’aurais voulu passer, celle qui mène au foyer conjugal, à l’amour pur, au bonheur permis.

Paul lui-même, Paul qui me connaît, qui sait ce que je vaux, Paul a reculé ; il m’a abandonnée !… Tu vois bien que tout est fini pour moi.

Donc il ne me reste qu’à mourir.

Mais, là encore, je me heurte à des impossibilités, ou du moins à des obstacles, plus faciles à vaincre heureusement. Tu ne saurais croire, ma chère Louise, — car pour comprendre cela, il faut y avoir passé, — tu ne saurais comprendre les clameurs qui s’élèvent d’un pauvre corps bien sain, bien vivant et qui devine qu’on va lui arracher sa vie ! On dirait qu’il rassemble toutes ses forces, non seulement pour se défendre, mais pour attendrir la pensée : son bourreau. Il tres-