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Tout de suite assise, presque tombée, Sylvère espéra qu’elle allait mourir et elle ferma les yeux.

Mais des mains agrippèrent les siennes : Baringer la suppliait.

— Oh ! non, murmura-t-elle, par grâce, pas ce soir !…

Il lui dévorait de baisers les doigts, les poignets, les bras, essayant d’émouvoir voluptueusement ce corps lassé, qui se refusait avec des prières.

Alors elle soupira, dans un arrachement douloureux de son souffle :

— Demain.

— Vous viendrez où je vous ai dit ? Demain ? bien sûr ? quelle heure ?

— Sais-je ! fit-elle, éperdue.

— Deux heures, voulez-vous ?

Elle baissa la tête pour répondre.

Sans les valets, rapprochés et qui plongeaient leurs regards à travers les glaces, Baringer se fût jeté sur cette tête confuse et pâmée. Il n’osa ; mais étreignant les genoux de Sylvère, il les baisa, en saluant, et se retira d’un geste brusque. Puis il referma lui-même la portière.




Certains tournants de la vie sont, comme de rustiques carrefours, marqués d’une croix. Quelquefois, égaré, le voyageur s’arrête, s’assied sur les marches de ce calvaire et songe à la route qu’il va prendre. Si le retour lui est impossible et si la vaillance lui manque pour continuer de suivre la voie trop douloureuse qui l’a mené jusqu’alors, il regarde, anxieux, vers l’un et l’autre côté, si las pourtant et si découragé, qu’il ne trouve même plus en lui la force de choisir son chemin.