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reculé, revint, se faufila parmi toutes ces jupes comme un chat, avec des frôlements voluptueux qui arrachaient aux femmes effleurées de petits cris ravis. Il était là, enfin, lui, bien à elles, et grâce à Sylvère, que des regards souriants imploraient. A son tour elle présenta le colonel.

Pas une, alors, qui n’eût la brève illusion d’une cour en laquelle elle jouait un rôle, influente et comblée de grâces.

Et Sylvère, souveraine, grandissait.

Les bavardages obséquieux roulèrent autour d’elle et de lui, l’un près de l’autre assis, dans le tumulte joyeux des orchestres.

Ainsi se continuait la fête triomphale.

Pourtant, Baringer parlait bas à Sylvère :

— Vous paraissez lasse.

— A mourir, répondit-elle d’une voix sincère.

— Voulez-vous partir ?

Elle tressaillit ; un frisson rose passa sur ses épaules, son cou, et teinta violemment la nacre de ses oreilles. Et, très vite :

— Pas encore.

— Je suis à vos ordres.

— Merci.

— Êtes-vous heureuse de votre triomphe ?

— C’est celui de votre prestige, dit-elle.

— Non, mais de votre talent et de votre beauté.

— Je n’ai cependant pas changé depuis hier.

— Il n’y a que les milieux qui changent, dit-il. C’est ce que l’on ne comprend pas assez en politique, alors que l’on accuse un homme de varier dans ses opinions. Ces opinions restent les mêmes, mais on les fait évoluer dans des milieux différents, voilà tout.

— La théorie est ingénieuse.