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de Turmal — comme toujours — son concurrent littéraire, de Labut, le beau directeur de la Revue des Universités, tiraillait sa barbiche de fauve en soufflant dans les nuques offertes des femmes assises devant lui et leur glissait d’impertinentes et railleuses cantilènes sur un improbable désir : celles-ci étaient la directrice de la Revue actuelle, Mme X… vêtue, comme sa beauté, d’une couleur de soleil couchant, et Mme Olga Pariani, la très fantaisiste princesse-poète, une fanatique de Baringer.

Tandis qu’au premier rang des chaises pressées s’étalaient, dans l’éclatante nudité de leur buste dévoilé jusqu’à la fleur du sein, et la belle rousse depuis longtemps célèbre, Mme Gauthillier, et de très charmantes et antiques marquises survivantes de l’Empire, et l’exquise penseuse, la comtesse Églé, qui fit des vers et brode des maximes, et le charmant gavroche qui inventa les boberies, et aussi des jeunes femmes très hardies, les dernières venues dans le train de cette « fin-de-siècle » et qui mènent la ronde de cette chanson de revue, avec des grâces macabre de névrosées.

Ensuite, un peu partout, des littérateurs, des chroniqueurs, des poètes. Enfin, les reporters, ces rois incontestés de la presse moderne, ceux devant qui toute copie s’efface, car leur information précise, vivante, a pris un intérêt chaque jour grandissant, et elle sera bientôt le dernier mot d’un art qui fut jadis celui d’écrire. — L’un d’eux a pu dire : Le roman de l’avenir ne sera ni romanesque, ni naturaliste, ni symboliste, ni idéaliste, il sera biographique, tout simplement ; et c’est nous qui l’écrirons.

Donc ceux-ci évoluaient vers l’entrée, prêts à s’emparer du scandale amoureux que préparait le colonel.

Un silence se fit et, comme par une commotion, se