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Tout cela donnait bien l’expression du salon moderne, la quintessence de l’actuel rassemblement mondain, le véritable milieu auquel aboutissent toutes les efflorescences sociales et d’où part tout véritable mouvement intellectuel.

Ces salons, qui ne sont plus des salons mais des centres, opèrent comme les centres nerveux ; toutes les forces y sont en germe et leur action se répand dans tout le corps social.

Baringer devait sortir de là.

Toutefois, il ne s’y rencontrait pas seulement les enthousiastes de sa fortune ; à côté de ceux qui l’avaient fait, se pressaient ceux qui attendaient sa défaite ; mais une sorte de sympathie pour le joueur et de curiosité pour la partie engagée, donnait une attitude gracieuse, même à ses adversaires.

Et d’ailleurs savait-on jusqu’où la faveur populaire le pousserait ? Si Baringer réussissait, on pourrait toujours se prévaloir de lui avoir été présenté chez la marquise.

Et la foule, souriante, l’attendait. Il parut.

Son même entourage familier le suivait, dans un empressement voulu, marqué, qui voulait imposer le ton. Une sorte de garde d’honneur, bizarre quant à sa composition ; un mélange d’aventuriers et de très honnêtes gens.

Il provoqua, dès l’entrée, une émotion invincible ; des acclamations discrètes l’accueillirent. Tout de suite, la marquise, radieuse, voulut l’entraîner à travers les salons, mais il résista. D’ailleurs on le bloquait, des mains frémissantes se tendaient vers lui, qui, en stratégiste habile, ne se laissait enfermer dans aucun cercle ; mais, d’une allure charmante, il tournait et retournait parmi les groupes, de façon à ne