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une jeune fille, qui, par surcroît, est passablement dotée et qui l’adore. S’il ne l’avait pas demandée, elle se serait jetée dans ses bras plutôt que de ne pas être à lui. Tu le repoussais, elle l’appelait : il est allé vers elle. Blâme-le, si ta conscience te le permet.

— Je n’ai plus de conscience, murmura douloureusement Sylvère, vous me l’avez tous mise en miettes. Je n’ai plus de cœur, vous me l’avez tous brisé. Il me reste, je crois, une sorte d’envie cérébrale de connaître enfin la vie. Peut-être suis-je à point maintenant, pour en faire l’expérience.

— Que veux-tu faire ?

— Je ne sais, nous verrons. Adieu.

— Pourquoi : adieu ? Tu sais bien que je te reste, moi, et toujours ?

— Merci. Je sais ce que je te dois. Si je revenais ici, crois-tu que ton frère oserait s’exposer à m’y rencontrer ?

— Mais, répondit tranquillement Mme de Bléry, il ne t’y rencontrera pas. Me connais-tu donc si peu ? Apprends, ma petite Sylvère, que le jour où j’ai connu la résolution définitive de Paul, j’ai rompu avec lui. Entre mon frère et… ma sœur, je n’ai pas hésité : c’est toi qui souffres, c’est toi que j’aime.

Cette fois, Sylvère, vaincue par la virile tendresse de Louise, se laissa faiblir ; et, tombée dans les bras qui l’appelaient, elle pleura, enfin !

— Ah ! lui murmurait Louise, maintenant que je t’ai grondée, je puis bien te dire comme je te plains ! Ma pauvre amie ! Que vas-tu faire, désormais, de ta vie éternellement manquée ?

— J’y songerai.

— Auras-tu du courage ?

— J’en ai.