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le paiement de la dîme. Ce que ces pauvres êtres doivent souffrir au début de leurs tristes abandons ! Ah ! les âmes fières dans ces chairs prostituées !…

Toutefois, celles qui résistent, et il y en a, gloire à elles !… Donc, tu as bien fait de te refuser…

Mais… mais… Ah ! ma pauvre Sylvère, si tu as eu raison de jouer ta fortune et de la perdre, par honneur, es-tu sûre que tu as également bien agi en jouant le bonheur de toute ta vie sur le même dé ? Autre chose, pour une femme, est de se vendre, autre chose de se donner. Ah ! si tu avais voulu !… Téméraire ! comment as-tu osé croire que tu pourrais conserver, pendant des années, la fidélité d’amour d’un homme qui t’adorait, en vivant fraternellement avec lui ? Voyons, tu n’es ni sotte, ni infirme, passe-moi le mot… Eh quoi ! la chasteté absolue ?… Tu veux rire… Je l’admets pour toi, si tu es assez froide pour que le contact fréquent de celui que tu aimes n’arrive pas un jour à te faire perdre la tête ! Mais lui !… Tu aurais voulu qu’il demeurât ainsi des années ? Hein ?… Et la santé ? Non ! Et alors ? Tu consens à ce que l’homme que tu aimes aille se faire aimer ailleurs. Il faut choisir : soi ou une autre. Et comme tu ne veux pas, lui va ailleurs. Le hasard peut lui faire rencontrer, dans ce… passage, un tempérament à son gré. Le voilà pris par un côté très sensible de ses goûts. Tranquille et satisfait, sa belle et pure passion s’apaise. Puis, peu à peu, l’amour s’en va…

— Il peut revenir.

— A moins qu’il ne refleurisse sur une autre branche. C’est ce qui est arrivé pour Paul.

— Il aime ! cria Sylvère.

— Hélas ! Il aime, comme un affamé longtemps privé d’amour. Il aime avec folie, avec extravagance,