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— Si je ne le voyais pas ce soir, peut-être ! Mais… j’irai chez lui.

— Tu es folle ?

— Non ! je veux l’empêcher de commettre une mauvaise action, une… lâcheté !

— Entendons-nous, Sylvère, et fais appel, toi-même, à toute ta loyauté. Oui, Paul t’a aimée sincèrement, longtemps. Et puis, rebuté par tes froideurs, persuadé que tu ne l’aimerais jamais… d’amour, il s’est lassé enfin de te poursuivre, de te tourmenter. Cependant, il gardait fidèlement la parole échangée. Longtemps il a lutté contre le désir, très naturel à un homme de son âge, de se laisser aller à un entraînement de cœur, à une passion, refoulant ce besoin d’être pleinement heureux, dont tu ne pourrais, sainement, lui faire un crime, n’est-ce pas ?

Sylvère soupira.

— Et puis, pardonne-moi, mais il faut, en ce moment, que je sois tout à fait sincère. Ce n’est pas pour défendre Paul : en mon cœur qui t’aime, je le maudis ; c’est pour t’expliquer sa conduite et te prouver que si tu peux le haïr, tu ne dois pas le mépriser.

Donc, ma pauvre Sylvère, une fois de plus ta vertu s’est tournée contre toi, les hommes que tu as repoussés se sont vengés, la plupart en te calomniant. Sais-tu que quelques personnes affirment que tu as payé de ta beauté la faveur de passer dans certaine Revue ?…

— Oui, répondit tranquillement Sylvère, Mme Deschamps m’en a parlé : c’est de Labut quia répandu ce bruit. Après ?… on sait bien que cela n’est pas vrai.

— Qui ça « on » ? Tu es superbe, toi ! Cela se dit couramment dans presque toutes les maisons où Paul fréquente. Comprends-tu ?