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rend l’oracle du couvent. Dès qu’un cas grave se présente, on accourt, de toutes les classes, vers Sylvère. On lui soumet les litiges ; elle juge comme Salomon et plaide, au besoin, grimpée sur un banc, afin de convaincre avant de prononcer la sentence. On écoute sa voix, alors même que la gravité des mots ne serait pas comprise ; et l’harmonie de cette voix apaise tout. Avec un sourire elle obtient les plus grandes concessions.

— Voilà une petite fille à qui tout sera soumis dans la vie, disent les mères.

Si chaste d’ailleurs, si parfaitement innocente, que toutes les brûlantes histoires du couvent se déroulent devant elle et autour d’elle sans que sa divine ignorance en soit éclairée, même effleurée. Cependant tout l’intéresse, comme les autres, mais sans curiosité malsaine. Des choses qu’elle entend dire tout bas par les grandes, elle les répète naïvement tout haut, en demandant l’explication. Mais il suffit de lui répondre :

— C’est mal, mademoiselle, pour qu’elle cesse d’y penser.

Une grande question s’agite dans la classe des fillettes de douze ans. Quelques-unes, précoces, ont revêtu, depuis peu, les robes longues ; elles ont acquis, en même temps, des allures mystérieuses. Ce sont de très petites femmes que le mystère de la vie, à peine entrevu, inquiète déjà.

Et dans les coins du jardin, à l’ombre des grands ormes, en groupe, on se chuchotte cette interrogation importante :

— Comment se font les enfants ?

Sylvère, trop intelligente pour croire désormais au chou, au rosier blanc, au coffret qui arrive de Paris, Sylvère, qui a surpris chez sa grand’mère la conversation dune femme dont la grossesse était avancée,