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— C’est bien, dit Sylvère. Cependant, une autre fois…

— Madame l’attendait peut-être ? Ah ! si nous avions su !…

Si elle l’attendait, cette lettre de Paul !

Elle eût presque souri, songeant à cette nuit d’angoisses qui aurait pu lui être épargnée ; car, certainement, la raison rassurante pour laquelle Paul n’était pas venu était là !

L’enveloppe arrachée, — de quel geste tremblant et fou ! — Sylvère put lire ces mots :

« Ma chère Sylvère, je suis si malheureux pour vous que j’en pleure ; mais il est trop tard, je ne m’appartiens plus. Oubliez-moi. Votre ami, Paul. »

Elle balbutiait.

— Je ne comprends pas !…

Car elle ne voulait pas comprendre.

— Non, je ne comprends pas. Pourquoi est-il trop tard ? Qu’est-il arrivé ? Il ne s’appartient plus ? Évidemment, puisqu’il m’appartient. Ne sommes-nous pas fiancés ? Alors pourquoi trop tard ?… Je ne comprends pas…

Et elle s’obstinait, sentant très bien qu’elle était perdue, mais ne voulant pas en convenir, ne voulant pas que cette certitude pénétrât jusqu’à son cœur, — afin de lui épargner encore, aussi longtemps qu’elle le pourrait, le déchirement dont elle s’épouvantait.

Il y avait une vaillance derrière la faiblesse de Sylvère. Le défi qu’elle jeta au sort la fit relever hautainement sa face ravagée mais ardente. L’heure des soumissions était passée. Puisqu’elle avait pu prendre, elle, cette résolution formidable de rompre avec son passé, d’abandonner sa voie douloureuse, mais pure ; puisqu’elle était descendue jusqu’à appeler dans ses