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Le soleil monte, les rumeurs de la rue traversent la cour, le réel s’agite et bruit : les rêves s’envolent, légers souffles qui s’évaporent, esprits nuageux qui fuient, âmes impalpables qui remontent à leur source, au lointain profond des infinis.

Et tout le corps lassé de la femme endormie, lentement se redresse. Ses yeux s’ouvrent, très larges, inexpressifs, sans mirage encore. Mais le souvenir revient, implacable, cruel. Et, avec lui, la brusque oppression du cœur qui recommence à souffrir.

— Oh ! que j’ai mal ! dit-elle en cherchant sur ce cœur comme l’endroit où la blessure saigne. Puis elle murmure :

— Est-il possible ?

L’espoir est un oiseau vivace, qui longtemps se débat, lent à mourir.

En se levant, Sylvère trébuche dans les longs plis de sa robe ; et sa pensée, un moment, s’attarde à se contempler en ces blancs atours. Ce moment n’est pas sans douceur. Toute femme, à se trouver belle, respire la foi en sa destinée d’amour. Pourquoi la beauté sinon pour la caresse ? Les avenirs sont incertains. Qui sait ?…

Ainsi Dieu, sur les plaies de l’âme, fait ruisseler d’en haut, comme un dictame, cette croyance pressentie de la revanche des joies humaines en quelque temps lointain, ou quelque proche éternité.

— C’est moi, madame ! cria la concierge à travers la porte.

Sylvère accourut.

La femme lui remit son courrier, puis, à part, une lettre :

— Celle-ci a été apportée hier soir, dit-elle. Mais il était près de onze heures ; madame devait être couchée, nous n’avons pas voulu la déranger.