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sa nuque sensible comme une bouche !… Et la sensation divine, inconnue, pressentie, s’achèvera sans doute !

Elle étire ses bras et murmure :

— Pourquoi n’est-il pas là, maintenant ?

Entendant sonner une heure, seulement alors, en sa pensée naquit la crainte que peut-être Paul ne viendrait pas. Et elle se mit à chercher des raisons, s’il en pouvait exister. Cela serait-il possible, que Paul ne vînt pas ? Qu’y avait-il donc ? Malade subitement ? Ces malheurs-là arrivent. Un accident, une voiture versée ?… Quoi ? quoi ?…

Tout ce que l’imagination enfiévrée par l’attente peut suggérer passa en tableaux rapides, fuyants, vertigineux, dans son cerveau affolé. Peu à peu, ce supplice grandit, se compliqua de raisons morales. Si Paul n’était pas venu, parce qu’il n’avait pas voulu venir ?…

— Oh !…

Sylvère se redressa, écoutant tomber au fond de son cœur l’écho de ce cri d’épouvante. Alors Paul ne l’aimerait plus ! Il la refuserait, il l’abandonnerait… Lui ?… Elle ?…

Cette possibilité, jamais entrevue, surgie tout à coup, subitement éclairée par des menus faits maintenant groupés et dégageant une lueur, lui entra dans l’esprit avec la douleur d’un déchirement.

Elle prit dans ses mains sa tête ébranlée, en criant seulement :

— Oh ! mon Dieu !… mon Dieu !… Puis elle se mit à courir à travers la chambre, fantôme blanc dans la pénombre d’une lampe mourante, comme pour échapper aux invisibles dards d’une nuée de guêpes acharnées qui l’auraient poursuivie et qui l’aiguillonnaient partout, dans sa chair, dans son âme, dans sa pensée éperdue.