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en longue robe de nuit, les cheveux soigneusement attachés. Et Sylvère se mit à natter ses cheveux qu’elle avait très longs.

Par les fenêtres ouvertes sur l’obscurité de la cour, le carillon d’une horloge entra qui sonnait dix heures. Lorsque Paul venait, le soir, il arrivait habituellement plus tôt.

Toutefois Sylvère ne fut point inquiète : pouvait-elle l’étre ? Il avait tant désirée, tant implorée, depuis si longtemps ? Et ce jour où elle s’avouait vaincue, où elle cédait enfin, est-ce qu’une raison quelconque pouvait l’empêcher de venir ? Elle en souriait, pensant à la futilité de ces choses graves : affaires, commerce, argent ! Que devenait tout cela, alors qu’elle lui avait écrit, pour la première fois :

— Viens !

Ah ! certes ! il allait venir ! Et peut-être lui-même défaillait-il d’angoisse délicieuse, en revêtant l’habit. Car elle le voyait en habit, très beau, très correct, son frac des grands jours, les gants au bord du claque, le gilet bien ouvert, et même, en dépit de l’infraction mondaine, la boutonnière fleurie d’une étoile blanche, embaumée, qu’elle respirerait en cachant sa tête sur sa poitrine dès qu’il apparaîtrait.

Et, l’évoquant ainsi, son cœur se mit à battre.

Maintenant, l’énervement de l’attente accroissait cette exquise émotion enfin venue. Paul approchait ; il allait être là, là, tout à l’heure, tout de suite… C’était fini. Sa destinée était accomplie, elle lui appartenait.

Déjà la rougeur du lendemain lui venait aux joues. Oserait-elle le regarder ? Mon Dieu, comme cela serait terrible ! S’il ne l’aidait pas à se consoler, elle en mourrait de honte.