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Rien de simple, au fond, comme cet être d’apparence complexe ou qu’on se plaît à imaginer tel. Dans les conditions ordinaires de la vie, celle-ci eût passé calme, heureuse peut-être, honnête probablement. Il paraît évident qu’elle était née pour filer de la laine dans une tapisserie, au coin d’un foyer respecté.

Or, elle s’est trouvée transportée par les événements en plein milieu parisien, et à l’endroit le plus trouble, le plus orageux. Imagine-t-on une nonne enfermée tout à coup dans une maison Tellier ? Que deviendrait-elle ? Sylvère finira-t-elle par comprendre la nécessité philosophique du louis dans son bas bleu ?




Un coin de ciel pâle, très ennuagé ; à l’horizon lointain une bande violette où vibrent des clartés : la mer. Un sol breton dont les landes rougeoient sous la pourpre des bruyères, et verdoient dans le crépitement des ajoncs. Un carré long de murailles blanches, hautes. Et dans cet enclos, une fillette triste déjà, et sans cause, peut-être ; uniquement parce qu’elle est douce, pitoyable, sensible, impressionnable, imaginative, rêveuse, étant née sous ce ciel, et passablement belle.

Elle a des cheveux blond cendré, longs, légers ; des yeux de la couleur de ses cheveux, avec un peu d’or au fond, et des ténèbres sous la raie des cils noirs, épais. La bouche, triste, est infiniment chaste, les lèvres étroites ; il n’y aura pas de place pour le baiser. Le visage allongé : très blanc, ressemble à celui d’une petite madone en marbre.

Elle se promène dans le jardin d’un couvent, entourée d’un groupe de ses compagnes, qui, toutes, l’aiment passionnément, inconsciemment, pour sa beauté, aussi pour sa bonté et son intelligence qui la