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Je ne comprends pas. Et sans doute vous raillez. Que l’on consente, épouse, et puisque l’on ne peut faire autrement, hélas ! il faut bien l’admettre. Mais que l’on se sacrifie à d’autres qu’à celui qui invoque son droit ! Dans quel but ? Pourquoi ? C’est folie pure ! Jamais je n’y croirai, à moins que… il n’y ait un mystère que vous m’ayez caché. Oui, peut-être, certaines joies d’aimer existent-elles. Mais c’est un secret que vous ne m’avez pas dit.

Cette ignorance l’avait gardée, et aussi le sommeil épouvanté de ses sens.

Mais dans les caquetages parisiens, la provinciale avait beaucoup appris. Elle possédait, du moins, la théorie des extases ; et, dans l’air qu’on respire en ces milieux, ses sens affinés, sortis de leur engourdissement, réveillés de proche en proche par les effleurements des salons, les contacts d’apparence innocente, mais terribles, qui détraquent si bien les nerfs féminins, l’avaient aidée à comprendre la possibilité, sinon le désir des abandons.

Enfin, elle connaissait la divine chanson, les paroles du moins, l’air peut-être ; mais elle ne savait pas comment on la chantait. Et l’embarras de n’être pas virtuose la gênait à cette heure, où, les yeux vers la glace, elle se regardait, si bien parée, lacée, boutonnée, en songeant au dévêtement. Jamais l’idée ne lui vint qu’elle aurait pu ou dû faciliter la tâche en la simplifiant ; pas davantage qu’elle serait prise peut-être impatiemment, ses atours demeurant intacts ; car l’honnête femme qu’elle était, ignorait que cela pût se faire, en dehors des viols qui outragent plus encore la pudeur que la vertu. Une seule vision des choses passait sur l’écran noir de ses souvenirs : c’était la couche nuptiale, sur laquelle on s’étend, victime résignée,