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semblaient d’or remplis de gemmes. Face à face, la robe rouge d’Alix et le fourreau noir satiné de la plus élégante robe de Sylvère se détachaient en vigueur comme deux silhouettes japonaises sur un écran.

Sylvére, maintenant distraite de ses pensées par la gaîté du décor, effeuillait, en les respirant, les aromales fleurs que le soleil de Nice avait muries ; et, tranquille, le cou renversé, buvait, dans sa coupe irisée, comme une rosée d’arc-en-ciel.

Sur la table passaient, avec quelque lenteur, des mets étrangement choisis, d’un parfum grisant, d’une saveur brûlante, d’un goût, toutefois, délicat et relevé.

Une friture de piments tenta Mme du Parclet ; elle y goûta et fut obligée d’engloutir, coup sur coup, des bonbons d’une pâte d’avelines glacée qui se trouvaient sous sa main, en criant, dans un rire, que cette cuisine du diable l’avait briûée. Elle en devenait toute rose, et innocemment, s’amusait. On sonna.

— Là ! s’écria presque fâchée Mme Alix, qu’ai-je dit ? Je parie que voici mes deux moineaux ! Pour un rien, je leur refuserais la becquée !

— Ce serait cruel, s’ils ont faim ! protesta Sylvère en riant.

Mais la porte s’ouvrit, et s’encadra, dans une attitude superbe, le colonel Baringer.

— Vous ! s’écria Mme Deschamps admirablement étonnée. Vous êtes donc à Paris ? Et qui vous amène si matin ?

— Un morceau de pain, s’il vous plaît ? mes bonnes dames, minauda le colonel en s’avançant.

— Vous n’avez pas déjeuné ?… c’est le comble !… nous en sommes au café, presque ! Enfin, ça ne fait rien ; enchantée ! Prenez une chaise.