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— Oh ! la jolie innocente ! Mais comme à nous toutes, voyons ! Et il n’y a pas même là de quoi s’étonner ! J’en sais quelque chose pour mon compte.

Pour le coup, Sylvère s’inquiéta, et, un peu trop naïve :

— Vous me voyez absolument surprise, chère madame. Oui, je sais bien, on bavarde. Mais j’avais toujours pensé qu’il n’y avait pas de fumée sans un peu de feu. Oh ! si peu ! mais du feu tout de même. Or, comme chez moi le foyer n’a jamais brûlé, qui diantre a pu imaginer ?…

Alix Deschamps souriait d’un air très bon, d’une indulgence aimable.

— Voyons, petite sournoise, ne niez pas du moins ce que tout le monde sait : Paul Ruper !

— Mais M. Ruper n’est pas mon amant, madame !

Et Sylvère devint toute rouge.

Alix riait aux larmes.

— Je comprends, dit-elle, avec un joli haussement d’épaules, que vous n’alliez pas avouer à tout le monde les fantaisies, quelquefois obligatoires dans notre métier, comme par exemple pour un beau directeur de Revue, ou un adorable poète qui fait la pluie et le beau temps dans le journalisme, ou quelque maître qui conseille, ou même un critique littéraire ! Mais une liaison sérieuse avec le banquier Paul Ruper n’a rien de si déshonorant qu’entre amies on ne puisse le dire !

— Mais, madame, cria Sylvère, c’est une calomnie !

— Bon ! Je le veux. Pauvre ange ! la voilà toute bouleversée. Ah ! ma chère, le monde est horrible !… Je vous connais, moi, n’est-ce pas ? Je sais qui vous êtes, ce que vous valez. Aussi je me fais une joie de river leur vilain clou à toutes ces bouches menteuses, et de proclamer bien haut la vertu impeccable de notre