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êtes la seule personne dont il ait gardé un si constant souvenir. Et pour si peu qu’il vous a vue ! ah ! que serait-ce ?…

Mais Sylvère, en souriant, l’interrompit :

— C’est précisément parce qu’il m’a très peu vue. Je ne suis bonne à voir qu’en passant.

— Ce n’est pas ce que vos amis répètent.

— Oh ! je n’ai pas d’amis !

— Préférez-vous que je dise : vos amoureux ?

— Dieu ! quel pluriel !

— Oh ! dans ce cas-là, le monde ne parle jamais au singulier.

— J’espère que le monde me fait grâce…

— Vous croyez ? Ah ! ma chère enfant ! Tenez, je passe ma vie à me courroucer et à défendre des gens. Alors vous vous imaginez, parce que vous êtes une adorable honnête femme, que les méchantes langues, c’est-à-dire le Tout-Paris qui jase, épargne votre réputation ? Quelle naïve erreur ! Mais j’ai failli arracher les yeux, dernièrement, à une demi-douzaine de perruches et d’oisons qui arrivaient un peu de tous les coins de Paris et s’entendaient, comme des larrons, à vous mettre en pièces. Je ne suis pas bonne, moi, si l’on touche à ceux que j’aime ! Et je vous aime sincèrement, ma belle Sylvère !

Mme du Parclet sursauta, et, très naïvement effarée :

— Mais encore ? dit-elle. Peut-on savoir en combien de… pièces on m’avait mise ?

— Et ne savez-vous pas que l’on donne pour amants à une femme à peu près tous les hommes qu’elle reçoit ou seulement qu’elle rencontre ? Et songez à tous ceux dont on peut gratifier une femme de lettres ?

— Je ne comprends pas bien. Vous dites ? On me prête des… amants, à moi ?