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— Me promettez-vous d’y répondre franchement ?

— Si je puis.

— Ce n’est pas répondre.

— Eh bien… oui…

— La voici donc, en toute simplicité. Sylvère, supposez un instant que M. Paul Ruper n’existe pas, qu’il n’ait jamais existé ; vous avez été adulée, recherchée, courtisée ; même vous avez été aimée, j’en sais quelque chose. Supposez donc que, libre de tout engagement, et moins féroce que ne vous l’êtes, le désir vous fût enfin venu de faire un choix… Comprenez-moi, je n’ai pas le courage d’achever, car, vraiment, mon cœur bat si fort qu’il fait trembler mes lèvres… Oh ! mais, surtout, soyez franche, dussiez-vous me faire pleurer.

— Ne pleurez donc pas, lui dit-elle, très pale et si troublée qu’elle en fermait les yeux, car je vous le dis sincèrement, si mon cœur n’eût pas appartenu à Paul, depuis mon enfance, je ne l’eusse donné à nul autre qu’à vous.

José, qui était debout, s’adossa, blême ; son teint brun avait jauni comme une cire ; sa bouche frémissait, décolorée ; son sang lui battait aux artères ; il souffrait atrocement et délicieusement. Toute sa raison, il l’employait à demeurer calme, à contenir les désirs fous qui le poussaient vers cette créature trop naïve dont l’aveu le bouleversait.

Il sentait qu’elle ne comprenait pas elle-même le sens des paroles qu’elle avait dites et qui révélaient un état d’âme dont elle ne se doutait peut-être pas. Il se demandait, en même temps, s’il ne devait pas l’éclairer sur l’étrangeté de ses sentiments, la forcer de reconnaître le véritable penchant de son être, l’obliger à choisir, la conquérir, l’emporter !…

Et puis, son cœur se serra : certes, il respectait Syl-