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par un homme, son mari ou son amant, peu importe ! Quant aux hommes dont vous attendez l’appui, ils ne s’intéresseront à vous que s’ils en espèrent quelque chose, c’est-à-dire tout.

Or, vous dépendez d’eux, absolument. Quel que soit votre talent, et il est réel, incontestable, vous n’arriverez à rien, à lutter toute seule. Plus tard, vous verrez que j’avais raison, et vous regretterez…

— Mais c’est horrible !… mais c’est monstrueux !

— Non, ma chère : c’est tout naturel ; vous êtes jolie, on vous désire, on essaie de vous obtenir en vous offrant, en échange, la gloire que vous êtes venue chercher dans la bataille littéraire, comme on vous offrirait des perles si vous étiez une coquette et des petits hôtels si vous étiez une courtisane. Vous n’avez pas à vous plaindre ; c’est à vous d’accepter ou…

— Et je refuse, oh ! oui je refuse. Mais, Seigneur Dieu ! fit-elle en retirant son bras du bras de Guy d’Harssay et se plantant devant lui, hautaine en son courroux, cela ne se voit-il point que je ne suis pas à vendre ?…

— Et c’est grand dommage pour vos amoureux, répondit le poète, dont le galant scepticisme souriait de toutes ces grandes douleurs, mais, reprit-il, qu’avez-vous fait à Roger Dablis ?

— Je l’ai giflé.

— Griffé, vous voulez dire ?

— Non, mon poing dans sa face.

— Quel petit dragon !… Et, son crime ?

— Une injure.

— Bon, mais encore ? Je parie qu’il a osé vous dire qu’il vous adorait… Voyez l’impertinent !

— Ne riez pas, maître. Non, c’est un outrage, vous