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Janie apportait le courrier de la veille et Mme de Bléry rapidement le parcourait, tandis qu’agitée ou engourdie, Sylvère suivait d’un regard vague le mouvement des doigts prestes qui dépouillaient une lettre de son enveloppe, la tournaient, la retournaient, la classaient, ou la jettaient, quelquefois sans rien dire. Ensuite, vite installée, devant une table au pied du lit, Louise expédiait quelques réponses.

Si, parfois, Sylvère, plus lucide, murmurait :

— Qu’est-ce ?

Louise la priait de se taire, de ne songer à rien, de se laisser vivre.

Elle ajoutait :

— Tu retrouveras tout cela plus tard.

Et Sylvère, très heureuse, refermait les yeux.

D’ailleurs, les sentiments de Paul paraissaient s’être modifiés depuis cette crise. Apitoyé sans doute, et respectueux de cette douce malade, aussi quelque peu rabroué et sermonné par Louise, il se montrait plus tendre, attentif, d’une câlinerie presque paternelle avec elle.

Et Sylvère se reprenait, dans ses longues songeries des nuits sans sommeil, à l’espoir d’une existence à peu près heureuse, si Paul y consentait, dans le charme d’un amour très pur et la paisible attente d’un bonheur plus parfait, certain dans l’avenir.




Même en un lit d’hôpital, certaines maladies sont douces, aimables, qui, ayant obscurci la pensée, la gardent comme sous un voile. L’être engourdi végète, ainsi qu’une plante, retenu sur sa couche, comme elle par ses racines adhère au sol et se meut seulement de ses feuilles et de sa fleur, qui sont comme une tête alourdie et des bras lents.