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Mme de Bléry. Ma pauvre petite, quelle belle peur tu as dû avoir !…

— Tiens ! murmura Sylvère, écoute.

Et, dans un silence, les coups violents, désordonnés des battements de son cœur s’entendirent, comme les heurts du volant d’une machine détraquée. Et Sylvère haletait, blême, avec du sang aux yeux.

— Allons, allons, calme toi… si j’avais su !

— Oh ! que j’ai mal ! geignit doucement Sylvère.

Louise l’appuya tendrement sur son épaule, effrayée de ce bouleversement physique et s’étonnant un peu d’une sensibilité si délicate, qui n’éveillait pas seulement une répugnance morale, mais une révolte matérielle de tout l’être ainsi brutalement convoité.

— Tu n’as pas de chance avec les hommes, ma pauvre chérie. L’amour que tu leur inspires te gâtera à jamais l’amour.

— Oh ! l’horreur ! balbutia Sylvère ; toujours leurs désirs, toujours le même éternel assaut, toujours cette faim bestiale qui les jette sur vous la bouche ouverte, la morsure aux dents ! J’aimerais cent fois mieux être enfermée avec des fauves, sentir leurs griffes déchirer ma chair et voir mon sang couler. Proie pour proie, je préférerais apaiser la faim de ceux-ci que la luxure des autres ! Pouah !…

Et puis une fièvre la prit ; et en arrivant à l’hôtel, elle délirait. Mme de Bléry l’installa chez elle où, du moins, Sylvère fut tendrement soignée.

Elle s’abandonna vite, avec une grande douceur, à l’autorité affectueuse de Louise ; et ces quelques semaines de maladie lui apportèrent un véritable apaisement.

Louise n’eut pas de peine à obtenir de s’occuper un peu des affaires courantes de son amie. Chaque matin