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escompté matériellement cette espérance en s’engageant vis-à-vis de ses fournisseurs, comme la santé de sa petite fille s’aggravait et qu’elle se voyait dans l’impossibilité de partir, et comme elle n’avait plus rien à vendre que « sa peau », cette chair tant convoitée et qu’elle défendait âprement, elle demeura un moment étourdie, assommée ; puis elle perdit connaissance et roula sur le parquet.

Le docteur, qu’il fallut appeler, car la crise nerveuse qui s’en suivit fut violente et n’en finissait plus, parla de troubles cardiaques, de possibilité d’un transport au cerveau, et il ordonna des calmants, du repos, du grand air et pas « d’émotions. »

Sylvère se leva, quand le médecin fut parti, et écrivit à de Labut :

« Monsieur, vous m’avez presque tuée. Je ne crois pas que ce soit votre intention. Peut-être ne vous doutez-vous pas du mal que vous avez fait. Je vais vous le dire ; au moins vous aurez agi en connaissance de cause. »

Et elle lui raconta simplement sa situation, lui rappelant qu’elle la lui avait fait entrevoir en lui présentant son manuscrit. Or, il avait accepté ce roman, avec promesse de le faire passer tout de suite ; et, après cinq mois, il le lui rendait. Aujourd’hui elle n’avait plus le temps d’attendre, pas même le temps de le donner à lire ailleurs. Elle était perdue, acculée à quelque résolution funeste. Elle lui disait qu’ayant consenti à faire toutes les coupures et modifications demandées, elle ne voyait aucune raison… plausible à un refus, sinon la volonté de lui faire du mal. Pourquoi ?

Enfin, elle faisait appel à ses bons sentiments, à sa pitié, à son honneur…