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Mme de Bléry paraissait gênée et un peu plus sérieuse que d’habitude. Connaissait-elle la scène qui avait eu lieu entre Paul et Sylvère ? Celle-ci n’osait en parler, Louise évitant toujours ce genre de confidences ; et cependant cette gravité l’impressionnait désagréablement. Elle ne pouvait croire au détachement de Paul, à son abandon parce qu’elle se défendait de l’aimer comme il le désirait. C’eût été, pour elle, comme si elle l’eût soupçonné de quelque action déloyale.

Toutefois, elle trouvait la bouderie longue, et sa délicatesse seule l’empêchait de supplier Louise d’intervenir. Paul lui manquait, maintenant qu’elle était accoutumée à le voir près d’elle et à vivre dans cette atmosphère de tendresse que dégage la présence fréquente d’un amoureux.

Sylvère respirait mal, plus oppressée encore au ressouvenir, secrètement caressé, des étreintes dont elle s’était défendue par vertu réelle, car son être en gardait comme un ébranlement d’un charme aigu, presque douloureux.

Elle sentait trop bien se lever en elle le terrible soleil des étés de la vie, si suggestif aux sens passionnels, et se blâmait d’avoir cédé à l’entraînement de cette fête, où elle avait pris la fièvre dans ces contacts et ces effleurements, qui sont des coups d’archet sur la corde vibrante des nerfs.

Même elle souhaitait et redoutait ensemble de revoir Paul. Mais lorsque celui-ci revint, il était fort calme. Il n’expliqua pas cette longue absence, et causa indifféremment, amical toutefois. Ce ton correct aurait dû ravir Sylvère : il la bouleversa. Elle aurait souhaité quelque allusion à ce qui s’était passé : Paul ne le rappela ni pour s’en excuser, ni pour se plaindre.