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La voiture roula par les rues désertes, noires ; il était quatre heures du matin.

Tout de suite, Sylvère avait appuyé dans l’angle sa tête un peu lourde ; et ses paupières luttaient contre un invincible sommeil, encore qu’elle eût, dans la poitrine, la palpitation non calmée des rythmes que ses nerfs continuaient à battre.

Un souffle la fit tressaillir ; elle se redressa : Paul la tenait enlacée, la bouche près de sa bouche, le corps pressé contre son corps. Un long frissonnement la révéla émue ; ravi, il la meurtrit d’une étreinte et, goulûment, voulut boire à ses lèvres leur premier baiser ; mais elle se tordit, les muscles gonflés, rompant l’étreinte et reculant son visage.

Alors, il supplia, si tremblant de désir qu’il lui communiquait la même secousse nerveuse ; et il s’affolait à la sentir trembler.

Mais il évita de l’effrayer. Doucement, il lui cherchait les mains, les pressait à petits coups rapides, faisant rouler dans ses doigts les doigts finement gantés ; puis il les baisa, les mordit, les sentit se raidir et se débattre, comme si tout l’être de Sylvère eut abouti à ses mains et qu’il les eût violemment possédées.

Elle murmurait, les dents serrées :

— Laissez-moi, mais laissez-moi donc !

— Pardon !… balbutia-t-il, mais je vous jure que vous me rendez fou, malade, inconscient… Je ne suis plus maître de moi, Sylvère, ô Sylvère !…

Il glissa sur les genoux, enlaça la taille de la jeune femme et la tira vers lui, lentement, les doigts noués sur ses reins souples.

Elle le repoussa de ses poings, tellement apeurée que sa langueur nerveuse s’était évanouie. Et elle le cinglait de mots durs, méprisants. Tout à coup, la voi-