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— Enfin, vous a-t-on assez accaparée ! A mon tour maintenant, j’espère !

— Une autre fois. Je pars.

— Seule ?

— Vous le voyez bien.

— Alors je vous accompagne.

— Merci, je n’ai besoin de personne. Vous direz, je vous prie, à Mme de Bléry…

— Je ne lui dirai rien du tout, car je vous suis, je ne vous quitte pas, j’ai tant de choses à vous dire !

— Monsieur de La Farge !

— Oh ! des grands airs ! ma chère Sylvère, ma sœur en poésie, mon inspiratrice et ma Muse, ne jouez donc pas à la petite bourgeoise, soyez franche, soyez saine. Nous sommes deux esprits faits pour nous entendre et nous aimer. Ce monde-là vous assomme ; je comprends cela. Moi j’en meurs !… Fuyons, voulez-vous ?

Elle se prit à rire : décidément, il était fou !

— Vous êtes très amusant dans ce rôle, mais je n’ai pas le temps de vous écouter. Laissez-moi passer.

Il la suivit résolument.

Elle :

— Où allez-vous ?

— Avec vous, chez vous !

— Ah ! mais… cela passe la plaisanterie, monsieur !

— Fi ! dit-il, que cela sent la province ! Il ne manque que d’appeler votre mari pour me pourfendre.

Sylvère tressaillit ; à la fin blessée, se détournant, elle rentra dans le salon.

Mais Raoul ne se tenait pas pour battu. D’après lui, la femme la plus chaste n’est qu’un paquet de nerfs qu’il s’agit de frôler, de la parole ou du geste, jusqu’à ce qu’il vibre, et, à ce jeu-là, il se croyait un grand virtuose.