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rence. — Ce n’était que par hasard, et très priée, qu’elle consentait à réciter quelques jolis vers, presque tous dédiés à sa petite-fille Manon, de laquelle elle se parait comme d’une fleurette à peine éclose.

De plus, elle ne courait pas les bureaux de rédaction, n’obligeait personne à lui publier sa prose, et encore qu’elle eût plus d’esprit que n’importe quelle femme de Paris, elle paraissait ne s’en servir que pour le divertissement de ses amis et nullement pour le commerce de son éditeur.

Cependant, autrefois militante chroniqueuse, infatigable et longtemps sur la brèche, elle avait acquis, dans tous les mondes, de nombreuses relations assez fidèles, surtout à ses bals et fêtes costumées. Ces jours-là, un peu du Tout-Paris défilait chez elle.

Son cercle intime se composait principalement de petits jeunes gens, de ceux qui suivent volontiers le sillage d’une femme un peu mûre, comme des papillons altérés accourent autour d’une rose très ouverte, dont le cœur est mal défendu.

Elle en avait aidé plusieurs à vivre, par qui ensuite elle avait horriblement souffert ; et des racontars nuisaient à sa bonne renommée. Mais sa grande simplicité, sa complaisance, la passion qu’elle mettait dans ses amitiés et le diable au corps de son esprit moqueur jaillissant en coups de verve intarissable, la rendaient si attrayante que l’on feignait volontiers d’ignorer les mystères de son existence d’amoureuse exaltée, généreuse et naïve ; on les niait même, pour ne pas renoncer au plaisir de la voir et surtout de l’entendre.

Mme de Bléry la recevait à ses dîners ; c’était le ragoût d’esprit dont se délectaient ses hôtes. Toutefois elle ne se montrait chez Mme Deschamps que les soirs où tout Paris y venait. On s’y donnait rendez-vous