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— Les œufs brouillés ; madame est servie.

Il sortit.

De Labut la conduisit vers la table. Mais Sylvère, brusquement, s’écarta.

Elle venait seulement d’apercevoir la disposition des couverts ; devant eux un seul siège, le divan rouge accoté au mur. Passant la première, elle allait se trouver acculée dans l’angle, toute fuite impossible. Ainsi pressée par le corps rapproché qui s’assoirait près d’elle, Sylvère comprit qu’elle serait livrée. Oubliant tout le reste, elle recula.

— Eh bien ! dit-il, essayant d’un air riant, mais d’une main nerveuse de la plier sur le divan.

Sylvère lui passa sous le bras et se retrouva au milieu du salon ; puis, hautaine :

— Je ne m’assoierai pas là.

Lui, empourpré, les dents serrées :

— Que signifie ?…

— Rien, dit-elle, redevenue maîtresse d’elle-même, maintenant que tout était perdu, sinon que je trouve cet arrangement peu commode ; et… si vous le permettez…

D’une main leste, elle dérangea le couvert, déplaça les assiettes, et, tirant une chaise, elle s’assit en face de Labut, dont les yeux brûlaient de rage.

— Vous me rendez parfaitement ridicule, dit-il, dès qu’il put parler, le cou gonflé, la face pourpre.

— Bah ! dit-elle, légère et souriante, pour une fois que cela vous arrive ! Ça vous changera.

Il la regarda, stupéfait ; Sylvère était transfigurée. Résolue, brave, n’ayant plus qu’un souci, tenir en respect ce mâle, et se moquant du reste — le reste, la misère, qui l’attendait à la porte — elle lui parut toute charmante et aisée, mangeant bien, et rosant sa