Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/184

Cette page n’a pas encore été corrigée

Une première fois elle a fait manquer le projet, écrivant qu’elle était malade.

Mais il est revenu à la charge.

Et, justement, elle a reçu des nouvelles de Vannes : Lili ne va pas mieux ; toujours ces maux de tête qui tourmentent Sylvère. La petite réclame sa mère ; Mme du Parclet ne peut pas quitter Paris, elle est sans ressources. Tout ce qu’elle a pu vendre de ses bijoux et de sa garde-robe est vendu, pour vivre et attendre. Et Lili l’appelle avec des appels désespérés.

Une chose surprend Sylvère : c’est que le cœur d’une femme ne crève pas sous le poids de semblables douleurs.

Elle songeait à son père qui allait se battre et se faire tuer, à l’heure où la femme qu’il adorait attendait la crise suprême de l’enfantement ; et à sa mère la mettant au monde et mourant de la mort du bien-aimé. L’horreur de la vie et la constante nécessité de ces héroïsmes sans lesquels tout l’être sombrerait dans les bassesses du lâche « ego » la secouaient d’une fièvre de dévouement à cette œuvre désenchantée de l’humaine existence. Elle s’écriait :

— Courage, courage !

Et puis, elle pensait comme Louise l’eût raillée à la voir ainsi tremblante et troublée, obligée de se rappeler à l’ordre avec de si grands mots, pour une si puérile cause. Non puérile pour elle, cependant, dont les pudeurs saignaient à seulement se défendre de l’ombre improbable d’un danger.

Une voiture entra dans la cour ; Sylvère se précipita à la fenêtre et fut rassurée : c’était une voiture découverte, qui amenait M. de Labut. Elle descendit vaillamment.