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— Non, interrompit Louise. Tu n’as pas répondu, parce que tu n’as pas réfléchi.

Puis, se levant :

— Attends à demain. Consulte Janie, et son livre de dépenses ; songe à ta fille, à… l’autre là-bas !… Peut-être comprendras-tu qu’après tant de sacrifices, tu n’as pas le droit de leur refuser encore celui-ci, bien mince après tout, de prendre ton chapeau et d’aller t’asseoir à une table de restaurant, pour y discuter, en face d’un monsieur qui tient le sort de ton manuscrit dans ses mains, de l’opportunité de quelques changements de phrases.




Sylvère s’est habillée d’une robe noire très montante ; elle achève de boutonner ses gants et n’y parvient qu’avec peine, tant ses doigts tremblent. Un chapeau sombre et simple la coiffe, sur ses bandeaux clairs bien tirés, soigneusement lissés avec un évident souci d’apaiser leur bouillonnement léger autour du front et du cou. Son visage, sans un atome de poudre, à peine rosé sous les yeux, lui semble d’une austérité respectable. Elle espère que ses trente ans apparaîtront enfin dans cette absence de toute coquetterie, qui témoignera également du dédain de plaire qu’elle affecte.

De ses épaules, coule une pélerine longue qui cache sa taille trop étroitement moulée dans un corsage déjà ancien. Elle, habituellement voilée, n’a enveloppé d’aucun tulle sa tête droite, fière, comme pour marquer son peu d’inquiétude d’être vue dans un rendez-vous uniquement d’affaires.

Car, ce matin, elle attend M. de Labut qui va l’emmener déjeuner au cabaret.