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— Je te prie de remarquer, ajouta Sylvère, cette raison dernière de son refus : il aura certainement un grand succès

— Aveu naïf. Et tu as gardé cette épître sur le cœur sans y répondre ?

— Non, j’ai fait la sottise de me défendre, en termes indignés !…

— J’aurais voulu les voir, ces termes ?

— Oh ! je lui disais à peu près ceci :

« Je ne proteste pas contre le jugement qui me ferme — brutalement — la porte de votre Revue, mais uniquement contre la révolte de votre sens moral. »

— Bien cela.

« Et je ne cède au désir de répondre à votre lettre que pour défendre la dignité et la moralité de mon œuvre. »

Je lui disais aussi que je n’avais jamais songé à écrire une histoire pour montrer le vice puni et la vertu récompensée, parce que cela ne se passait pas ainsi dans la vie ; qu’il ne fallait pas confondre le roman d’analyse avec un traité de morale en action ; que mon travail d’observation n’avait pas la prétention de juger les faits, mais de les décrire…

« Et enfin, ajoutais-je, si Thérèse est malheureuse, ce n’est pas seulement parce que ses sentiments sont nobles, mais parce que l’homme est l’éternel tourmenteur de la femme, c’est parce qu’il la poursuit toute sa vie, vierge, épouse ou mère, c’est parce que sa débauche, sa lubricité sont la source de tous les maux, de toute la désorganisation sociale, de toute la ruine d’un peuple, de toutes les douleurs de l’humanité. L’homme semble ne vivre, travailler même, que pour un but : non l’amour de la femme, mais sa souillure. Faire la fête, se vautrer, polluer toute féminité qui