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quatre ambassadeurs, avec un tel déploiement d’omnipotence que j’en suis restée glacée. Elle me parlait de haut, de si haut qu’il me semblait être devenue, en sa présence, pas plus grosse qu’une souris. Et je la regardais d’en bas, elle si majestueuse, avec effarement.

— C’est une aimable personne pourtant.

— Quand il lui plaît sans doute ; car voici la lettre que je reçus d’elle, avec mon manuscrit rendu.


Madame,

« J’ai le regret de ne pas accepter votre roman, non que je puisse le discuter comme intérêt de drame ou de passion, mais je le trouve abominable… »

— Hein ! s’écria Louise, tu ne te trompes pas.

— Attends la fin ; « … Je vous demande pardon de cette impression qui tient à ce que mon sens moral… »

— Tu dis ?…

— Mais tais-toi donc ! « Mon sens moral a été sans cesse indigné en le lisant ; le misérable Raoul qui séduit Thérèse, et qui est le héros du roman est infâme. »

— Héros ! Oh ! ma lyre !

— Tu es insupportable ! Cette lettre est fort curieuse.

— Je la voudrais mettre en vers. Continue.

« Rien de plus noble que le dégout de la jeune fille, et c’est de cela qu’elle est si affreusement punie. C’est de cet acte louable, de son refus d’épouser un homme odieux, que s’engendrent tous les malheurs qui frappent Mlle Rieux, François, Albert, Nicole. Je vous le dis avec ma franchise brutale, madame, je déteste ce roman. Malgré la longueur de l’épisode du jardinier, il aura certainement un grand succès, mais je ne l’imprimerais pour rien au monde.

« Croyez à la sincérité de mes regrets.

« X… »