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directeur, demain représentant du peuple, après-demain ministre, et…

— Oh ! dit-il, arrêtez, vous allez me donner des cheveux blancs !

Puis, après un silence et la regardant tristement :

— Qui, tout cela peut venir ; mais ce qui ne viendra jamais, c’est le bonheur que j’avais rêvé !… C’eût été si charmant d’arriver tous les deux, forts comme nous le sommes, chacun à son but en nous tenant la main ! Quel éperon pour l’ambition, quel stimulant pour la gloire que le doux et triomphant amour !

Sylvère baissait le front sans répondre. Puis, enfin, elle soupira en murmurant :

— Les destinées !…

— On les fait soi-même, répondit José.

— Non, dit-elle en secouant la tête, on les subit.

Lui, très bas :

— N’êtes-vous pas heureuse ?

Elle tressaillit, avec une rougeur brusque à ses joues, et, très vite :

— Si, si, vraiment, très heureuse !

— Tant que cela ! dit-il, méfiant et penché, cherchant ses yeux sous ses paupières mi voilées. Alors !… voyons, soyez tout à fait confiante. Comment se fait-il que vous viviez ainsi ?

Elle ne comprit pas et le regarda.

José reprit :

— Votre amoureux, votre fiancé, veux-je dire, est bien patient. D’ailleurs, cela me paraît quelque peu cruel d’attendre, c’est-à-dire d’espérer la mort d’un homme pour être heureux, si coupable soit cet homme.

Sylvère détourna la tête, comme blessée et sans répondre.