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la situation dans laquelle elle le mettait vis-à-vis d’elle, l’obligeant à demeurer spectateur impuissant des angoisses parmi lesquelles elle se débattait ? Imagine-t-on un être cher qui se noie, à qui l’on n’a qu’à tendre une perche, et qui refuse de la prendre, vous condamnant au supplice de le voir perdre pied, disparaître, couler !…

Tel était son rôle cependant. Et il en avait assez ; sa longue patience était à bout.

Si elle voulait, comme tout s’arrangerait facilement ! Qu’elle consentît à devenir sa maîtresse, il aurait des droits, des devoirs même ; et il arriverait bien à le lui faire comprendre. Une fois qu’elle serait à lui, il répondait du reste.

Mais elle était implacable, cette petite femme, frêle et ployée comme un roseau. L’aimait-elle ? Il se le demandait parfois.

Sans doute, elle l’aimait, et n’avait jamais aimé que lui. Et elle avait des nerfs, et elle avait du sang, et elle avait une âme chaude, vibrante, passionnée… Oh ! qu’elle serait exquise, si elle le voulait !…

Peut-être avait-il été maladroit, trop ardent. Avec ces natures de femmes exaltées dans la vertu comme d’autres le sont dans le vice, c’est une stratégie féline qu’il faut déployer pour les vaincre : la ruse, la surprise, la déloyauté. La franchise en amour ne réussit qu’avec les femmes libérées de scrupules et pour lesquelles la pudeur est moins une barrière qu’une feuille de vigne indécente et qui souligne. Celles-là, les saines et hardies femelles, veulent être non pas prises, mais conquises ; et, une fois désarmées, elles viennent, héroïques et superbes, se coucher aux pieds de leur vainqueur.

Les autres, ces oiselles effarouchées, on les chasse