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ça ! J’en veux pas plus que madame, moi, de vos argents… C’est pas propre. Vous venez ici, en amoureux, et…

— En fiancé, Janie, en fiancé…

— Possible ; mais le mari n’est pas mort, et le gredin peut se prolonger… N’y a rien de commun encore entre vous. Madame n’a pas voulu accepter de Mme Louise, par peur que ça vienne de vous. Ainsi, vous pensez, si elle venait à apprendre la… manigance que vous me proposez… Ah ! ben !… Tenez, j’ai eu tort de vous conter nos ennuis. Ne le dites pas à madame, s’il vous plaît, vous me feriez avoir des remontrances…

— C’est bon, grommela Paul. Il tourna le dos furieusement et entra dans le salon. Mais au lieu d’aller frapper à la porte du cabinet de Sylvère, il se jeta dans un fauteuil, alluma un cigare et, le sourcil froncé, la face dure, il s’enfonça dans une longue rêverie.

Certainement, il aimait Sylvère.

Pourquoi éprouvait-il le besoin de se l’affirmer aujourd’hui, ainsi que l’on réagit contre une défaillance ? Cet amour, dont l’issue demeurait incertaine, l’accablait de plus d’ennui que de joie. Et le but de l’amour n’est-il pas le bonheur ? Une lassitude l’engourdissait, peu à peu, dans cette chasteté forcée qu’elle lui imposait. Ses désirs s’émoussaient et les assauts qu’ils lui faisaient subir devenaient moins fréquents, moins ardents. Même la résistance de Sylvère le détachait d’elle, après avoir surexcité sa passion.

Maintenant, les révoltes de sa déception s’aigrissaient de l’entêtement qu’elle apportait encore dans le refus d’accepter son aide pendant la crise qu’elle traversait.

A la trouver si honnête, il finissait par la juger ridicule, stupide. Elle ne se rendait donc nul compte de