Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/159

Cette page n’a pas encore été corrigée

— J’allume un peu de feu : il gèle.

— Laissez donc, je n’ai pas froid.

— Non, que vous êtes quasiment toute bleue.

— Vous savez bien…

— Pardi, si je le sais ! mais c’est une vieille caisse que je viens de fendre ; avec du poussier et des cendres autour, ça tiendra un bout de temps.

Le feu pris, la bonne femme se tourna vers Sylvère qui, assise à sa table, les poings aux tempes, relisait des lettres éparses, son courrier du matin.

Elle la regardait, les yeux tristes, avec un ennui sur sa large face pâlie, et ses lèvres marmottaient tout bas. Au bout d’un instant, elle finit par prononcer à demi-voix :

— Ma pauvre madame, il faut cependant que je vous dise…

Sylvère interrompit sa lecture, se rejeta en arrière, avec un étirement de ses bras lassés, et soupirant :

— Ah ! Dieu ! que cette vie m’est lourde !

— Alors, encore rien ? interrogea la vieille servante.

Elle ajouta timidement :

— Les fournisseurs ont envoyé leurs notes !

Sylvère d’un geste découragé :

— J’irai aujourd’hui vendre ma montre.

Janie leva les épaules :

— Quand il serait si facile à madame d’emprunter.

— A qui, Seigneur ? connaissez-vous quelque honnête usurier ? Dites vites…

— Eh bien mais, et M. de Labut. Une avance, quoi ! Ça se fait tous les jours, comme vous disait l’autre soir encore Mme Louise. Faut pas être si fière, ma petite madame !

— Janie, Louise est folle, et vous aussi. Si je vous écoutais, je me mettrais dans une belle situation ! Sais-je, moi, si mon roman passera à la Revue ?