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— Peur seulement ! J’ai cru, à te voir, que Lucrèce venait d’échapper à Sextus.

— Ne te moques pas. Je suis horriblement inquiète.

— Que tu es jeune, ma petite ! Enfin, voyons, raconte.

Sylvère raconta, dans tous leurs détails, la visite et les discours de son futur directeur.

Louise, en personne entendue, remuait gravement la tête, tandis qu’un fin sourire retroussait à peine les coins de sa rouge bouche charnelle. Et quand Sylvère eut fini :

— Eh bien, après ?

— Comment, après ? que veux-tu que je devienne s’il s’avise de renouveler ses propositions et ses… témoignages d’intérêt ?

— Ce que je veux ? Ah ! si j’étais à ta place ! Ce que je veux, c’est que tu t’accoutumes enfin à cette lutte éternelle, que tu t’aguerrisses et que tu batailles, morbleu ! Toutes les armes sont bonnes pour se défaire de son ennemi et demeurer maîtresse et libre sur le terrain conquis. S’ils sont les plus forts, nous sommes les plus adroites. Va, les armes sont égales. Il s’agit seulement de savoir s’en servir.

— Mais je ne sais pas, murmura naïvement Sylvère.

— Alors, quoi, si tu ne te défends pas !…

— J’aime mieux fuir.

— Lâche ! dit Louise en riant.

— Tant qu’il te plaira. Je ne pose pas pour être brave.

— Et tant pis, ma petite, car la vie est un combat.

— A qui le dis-tu ? Seulement, se battre contre des abstractions passe encore ! Lutter contre la douleur, la pensée, la misère, la malechance, tout cela me