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plaindre ? Être aimée, très aimée, d’amour ou d’amitié, peu importe, cela nous fait, à nous autres faibles, comme un enveloppement duveteux, si douillet, au fond duquel nous demeurons blotties, avec une peur constante de voir saccager notre nid et de nous retrouver sans abri contre la vie cruelle, l’âme toute nue, le cour dépouillé, l’être sans défense sous le vol éternel des vautours.

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De ce jour nous vécûmes, Paul et moi, comme des fiancés. Il y aura bientôt deux ans ; et je ne suis pas veuve !

Ce que j’ai eu à souffrir et à me débattre pour demeurer, même vis-à-vis de Paul, digne de devenir sa femme, ne peut s’écrire… Je ne formule pas un blâme contre lui : après tout, il était le plus fort, et il a respecté mon impérieux désir.

Mais nous avons vécu, mais nous vivons perpétuellement comme des ennemis. Exaspérés par nos nerfs, nous dépensons nos entrevues en querelles. Il me torture de faux aveux pour faire crier ma jalousie ; il me menace de rupture, d’abandon ; il cesse tout à coup de venir ; puis il revient, comme un fauve, hurlant, prêt à tout dévorer. Je pleure et il me demande pardon…

Louise me bouscule, comme si j’étais coupable ; nos trois existences sont bouleversées… C’est là le bonheur que l’on m’avait promis, que l’on m’a forcée d’accepter ; ce sont là les joies de vivre que l’on a attachées à ma poitrine, avec les fleurs de primevères, le jour de ces bizarres fiançailles !

La haute raison de Louise s’est donc trouvée déçue. Ou bien, et ce doute me hante parfois, elle et lui n’ont-