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— Eh quoi, vous voulez ?…

— Je crois que j’ai commis des fautes. Il serait inique de les taire tandis que j’accuse. À chacun sa part de responsabilité. C’est d’une âme impartiale que vous devrez tirer des faits ces responsabilités et les mettre en lumière.

D’ailleurs, les documents que je vous remets sont abondants et confus. Que de choses vous devrez écarter, détruire, remplacer par quelques notes explicatives. Il est utile, toutefois, de laisser à ce roman la saveur de son réalisme intense, toute sa vérité brutale.

Vous devrez donc réagir contre l’emballement artistique qui vous pousserait à le faire entrer dans un moule convenu ou non, mais ayant la forme cherchée d’une œuvre purement littéraire.

J’imagine, en y songeant, comme un large papyrus lentement déroulé, rempli au jour le jour des faits intimes d’une existence curieuse, consignés ainsi qu’ils se présentent dans la vie, entremêlés de l’aveu naïf des sensations, qui sont aux faits comme la couleur est au dessin. De sorte qu’en arrivant au bout, on ait, presque, devant les yeux comme un tableau naïf et sincère, avec ses clartés et ses ombres, ses détails, ses perspectives, ses plans, ses reliefs, le rapport et la valeur de ses tons ; de même qu’un paysage peint sur une toile et qui nous laisse voir tout à la fois l’ensemble et les détails, les cieux et les champs, les arbres et les fleurs, les herbes et les troupeaux qui paissent, et les clochers lointains fusant vers l’infini.

Un roman qui donnerait la sensation de quelque fresque primitive, comme celle du Campo-Santo de Pise, où l’on peut lire, du haut en bas, toute la légende chrétienne, depuis la création et le paradis terrestre jusqu’au châtiment du jugement dernier.