Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/139

Cette page n’a pas encore été corrigée

rien vu, rien su, je vous aurais laissé bénéficier du doute que j’accorde toujours aux gens sur cette question-là, lorsque leurs aventures ne sont pas devenues évidentes. Désormais, cela m’est impossible et vous supposez bien que je ne suis pas disposée à jouer entre vous le rôle de… complaisante.

— Tu vas trop loin, m’écriai-je, et rien ne peut te faire supposer…

— Fais-moi le plaisir de te taire et de m’écouter jusqu’au bout, répliqua Louise.

Et elle continua :

— J’aime les situations nettes. Celle-ci étant ainsi posée, que vous vous aimez, que vous êtes jeunes, que vous êtes libres ou à peu près, il n’est pas difficile de prévoir que vous suivrez la voie naturelle, ordinaire, en vous appartenant, dans un temps donné… Je te demande pardon, ma chère Sylvère, de te faire ainsi rougir jusqu’aux yeux et jusqu’aux larmes, mais ce que j’en fais c’est pour vous éviter à tous, plus tard, des ennuis et de mutuels reproches. Crois-moi, le danger que l’on ose regarder en face est à moitié conjuré. Donc, ou bien vous serez heureux, sous le couvert d’une liaison mystérieuse mais connue de moi, et je serai forcée de ne plus vous recevoir ; ou bien tu te débattras, toi, Sylvère, avec l’honnête obstination de ta tête de Bretonne, contre un amour qui sera, dès lors, un supplice, une entrave à tes travaux, une cause de désolation et de misère ; tandis que Paul, malheureux, négligera ses fonctions et compromettra sa fortune. Je sais la vie et ce qu’elle rapporte : je l’ai évaluée : il faut joliment de l’adresse pour en tirer parti.

— Tu n’es pas gaie, tu sais ? interrompit Paul. Si c’est là tout ce que tu as à nous dire pour nous réconforter !…