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d’une primevère blonde. J’aperçus en même temps la primevère, les yeux de Paul et ses doigts en l’air remuant un corail ; puis je ne vis plus rien, car, au moment où tous les deux se levaient, avec le geste joyeux qui acclame, je tombai sur les genoux, et roulai à terre comme une bête assommée.

Les femmes ont la vie dure. Une heure plus tard, j’étais assise à cette même table, entre Louise et Paul, et j’avais, moi aussi, des fleurs à mon corsage ; et je riais, en épluchant des crevettes roses.

Ce qui s’était passé ? Oh ! rien que cela : ma destinée désormais fixée, irrévocable. Et c’était l’œuvre de Louise. Elle a des raisonnements terribles qui emportent tout.

Il ne lui avait pas été difficile de deviner, pendant ma crise, pourquoi j’avais souffert. Peut-être l’avais-je avoué dans une défaillance d’âme suivant celle des sens, ou par un irrésistible besoin d’être plainte et consolée.

Elle se montra très bonne, mais catégorique.

Laissant entrer Paul dans le petit salon où l’on m’avait transportée, couchée sur le divan parmi des fourrures, elle lui indiqua, d’un geste sans réplique, un siège assez éloigné de moi, et nous adressa à peu près ce discours :

— Concluons : Toi, Paul, tu m’assommes depuis pas mal de temps avec ton amour pour Sylvère. Toi, Sylvère, il a fallu qu’une erreur, due au laconisme de ma dépêche, fit jaillir de ton cœur la source miraculeuse ; mais enfin elle a jailli, et ce qui est certain maintenant, c’est que tu aimes Paul.

Et ensuite ? Que comptez-vous faire ? Si vous me m’aviez pas prise pour confidente, je ne vous aurais jamais adressé cette question. Tant que je n’aurais