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ne me gouvernait plus, mais elle avait agi et donné l’impulsion mécanique à mon être, lequel, obéissant, inconscient, rigide, se projetait en avant. Je me trouvai dans une pénombre, les volets du salon étaient clos ; mais quelques rais de jour, coulant à travers la pièce, l’éclairaient assez pour me permettre d’apercevoir, au bout d’un instant, qu’elle était déserte, enfouie dans le noir et le silence de ses housses tendues, de ses portières retombées.

Mais je ne m’arrêtai pas, puisque je ne pensais plus : j’allais.

Le fumoir, clair et gai, gardait le dérangement de ses chaises poussées vers les consoles, où des cendriers exhalaient encore un encens tiède, à peine éteint.

Soudain, une sorte de cri s’éleva et je me rejetai en arrière, portant à mes oreilles mes mains, ne voulant plus entendre. Il m’arriva alors comme un murmure étouffé de voix ; mais le sang qui me battait aux tempes m’enveloppait d’un bourdonnement au milieu duquel je ne distinguais rien, comprenant seulement que derrière une porte, là, à deux pas de moi, il se passait quelque chose ; sans doute le drame dont l’effroi me torturait depuis une heure.

Brusquement, je pensai :

— Si ce cri était le dernier !… s’il venait seulement de mourir, m’ayant vainement attendue… Oh ! Paul ! Paul !…

Les poings en avant, je me jetai vers cette porte, je la secouai, l’ouvris et demeurai raide, béante sur le seuil.

Paul et Louise commençaient à déjeuner. En m’attendant, ils épluchaient des crevettes. La table était toute fleurie. Paul, en smoking bleu, était décoré