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vous ne m’aimez pas. Jamais, entendez-vous ? jamais une femme, la plus sainte, la plus pure, n’a refusé de se donner lorsqu’elle a aimé véritablement. Elle ne le pourrait pas d’ailleurs ; ses révoltes seraient vaines ; elle obéirait quand même à la loi. Donc vous ne m’aimez pas.

— Soit, répondis-je, dépitée, mais avec un grand soupir.

— Alors, c’est… adieu ?

— Pourquoi : adieu ? balbutiai-je le cœur très gros.

— Parce que je ne vous reverrai jamais.

— Vous êtes cruel !

— Je suis… prudent. D’ailleurs que vous importe ? vous vous moquez bien de moi, au fond, n’est-ce pas ?

— Vous savez que je tiens à vous.

— Pas de banalités, ma chère Sylvère. C’est inutile entre nous. Je ne flirte pas, je ne vous fais pas la cour, vos réticences ne me consoleraient ni ne me feraient prendre patience. Je vous demande tout, refusez-moi tout ; mais ne m’offrez pas le bout de vos ongles, car je suis affamé, et si je tenais l’ongle !… Adieu, je m’en vais… Si je m’ennuie trop, eh ! bien, je prendrai le rapide… pour l’éternité… Adieu !…

Quand il fut parti, je demeurai contrariée, navrée même, mais les yeux secs. Et je me souviens que ce jour-là j’écrivis les meilleures pages de mon roman Séparée.

Deux jours plus tard, le matin, vers onze heures, je reçus cette dépêche :

« Viens tout de suite, Louise. »

Ce mot me donna une émotion terrible. Car, je le sentais bien, il s’agissait de Paul. Mais pourquoi m’appeler ainsi, « tout de suite », si quelque accident n’était pas survenu ?