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affirmativement, quelle conclusion en prétendriez-vous tirer ?

— Une conclusion toute naturelle, ma chère Sylvère. Je vous dirais : vous m’aimez, je vous adore, soyons heureux. C’est simple, comme un et un font… un.

— Voilà pourquoi, si je vous aimais, je ne vous l’avouerais jamais.

Et je me levai.

Il comprit, se leva lentement, péniblement, et je vis, tout à coup, ses yeux remplis de larmes.

— C’est bien, balbutia-t-il, adieu !… Allons ! je me suis trompé… C’est très douloureux. J’avais cru au bonheur, à votre amour ! Depuis que je vous ai retrouvée, je vivais dans ce rêve… Vous seriez à moi, un jour, bientôt. Nous arrangerions notre existence l’un pour l’autre…

— Oui, dis-je amèrement, ainsi que l’on s’arrange dans le monde autour de nous. On demeure, d’apparence, une honnête femme et l’on prend un amant !

— Eh ! bien ! fit-il, que voyez-vous de déshonorant à cela ? Votre bonheur intime ne regarde personne. N’avez-vous pas le droit d’être heureuse comme il vous convient ? Et, si le sort fut injuste, ne pouvez-vous réparer son injustice, afin que toute votre vie ne soit pas perdue, toute votre jeunesse gaspillée sans que vous ayez eu votre part de joies en ce monde ? Qu’a donc la morale à voir dans ce compromis qui vous laisse considérée, respectée et digne de l’être, sans attenter à la liberté sacrée de vos instincts les plus nobles, ceux de l’amour ?

D’ailleurs, écoutez-moi, Sylvère, l’amour sincère, vraiment fort, ne s’attarde pas en ces raisonnements. Si vous discutez la possibilité de m’aimer, c’est que