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ployé, harassé. Il murmura encore, me voyant immobile, arrêtée en un coin, le dos au mur, vaguement épeurée :

— Je suis très ridicule, j’en conviens, mais ne me jetez pas à la porte, par pitié, ah ! je ne suis guère dangereux, allez ! vous pouvez être tranquille. Me voici à vos pieds comme un chien battu.

Je le regardais, et ma tendresse se réveillait à le voir si pitoyable. Un peu d’orgueil aussi me le rendait plus cher. Je l’avais dompté, et il ne m’effrayait plus.

Alors, me rapprochant, je lui tendis la main.

— Si vous voulez être raisonnable, lui dis-je doucement.

Il prit ma main dans les siennes :

— Je serai ce que vous voudrez.

Puis, levant les yeux, il recommença :

— Je vous aime !

Mais cette fois, il n’ajouta rien et demeura son regard levé sur le mien, regard suppliant, craintif et tendre, regard d’enfant malheureux qui m’attirait et me troublait jusqu’à en défaillir.

Une confusion me vint à me sentir si près de lui ; je retirai ma main et allai m’asseoir sur une vieille chaise de bois, haute et carrée comme une stalle de chœur, en laquelle je m’enfonçai ainsi que dans une niche.

Et lui, comme s’il voulait partir, traîna vers la porte, puis revint tout à coup, résolu :

— Causons, voulez-vous, Sylvère ?

Il tira un siège près de moi et s’assit. Alors :

— Nous ne sommes plus deux enfants : vous avez vingt-huit ans, j’en ai trente. Il ne faut pas que le malentendu qui nous a déjà une fois séparés se renouvelle, n’est-ce pas ? Maintenant, vous savez de la