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choses que tout mon être l’entendit et le comprit comme moi !

Je vibrai toute, je tremblai toute, comme si quelque parole magique avait jeté sur moi la puissance d’un enchantement.

Mais j’aurais voulu qu’il ne dît plus rien, qu’il me laissât savourer les sensations mystérieuses, les ineffables mouvements de cette vie nouvelle à laquelle je venais de naître. Comme je n’avais pas répondu, même pour l’interrompre, il continua. Et ce fut la paraphrase amoureuse et banale du seul mot qui dit tout, contient tout et devrait suffire seul aux invocations suprêmes.

Puis-je dire pourquoi ces litanies passionnées calmèrent mon émoi au lieu de l’accroître ? Peut-être — car j’y ai réfléchi depuis — éprouvai-je une impression de la forme même, si dépourvue d’art, de ces phrases trop convenues.

L’habitude d’écrire en recherchant l’écriture artiste m’a certainement douée d’un sens dont les autres femmes sont probablement dépourvues, car je souffrais très réellement au choc de ces mots qui ne me disaient rien, étant mal présentés, rien si ce n’est l’écœurante banalité de leur sens propre.

A ce moment, j’éprouvai un regret de cette promenade nocturne, de mes longs souvenirs et du sentiment que j’avais trop fait paraître pour un homme vis-à-vis duquel je me sentais en si ample désaccord d’âme, ou plutôt d’esthétique.

J’avoue tout, puisque j’ai entrepris de me confesser à vous, avec qui je me sens en si complète union intellectuelle.

Mais mon silence fut autrement interprété par Paul, et je m’en aperçus lorsque étant arrivée à ma porte,