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un pas de valse. Moi je voulais absolument réveiller le gardien des tours.

Nous devenions nerveux ; nos rires s’agaçaient. J’aurais pleuré si je n’avais eu honte.

En face de la Morgue, je voulus m’asseoir sur un bane, prise d’un besoin absolu de parler de mort ; mais je me tus, parce qu’il avait dit :

— Il n’y a pas de pensées de mort sans pensées d’amour.

Alors, je m’avisai d’avoir froid.

— En effet, me dit-il tendrement, vous êtes un peu pâle. Allons, rentrez ; je suis un égoïste à vous attarder ainsi, pour mon seul plaisir. Ah ! c’est que je suis si heureux ce soir !… Je ne sais pourquoi cette belle nuit calme me rappelle un peu nos landes, là-bas ! vous souvenez-vous ?

— Rien ici ne me les rappelle, dis-je, ne voulant pas comprendre.

Je l’entendis qui murmurait très bas :

— Tant pis !

Nous devenions tristes, et nous étions depuis un moment silencieux. Notre soirée se gâtait. J’en fis méchamment la remarque. Paul eut comme un brusque mouvement de réveil.

— C’est vrai, dit-il, je vous demande pardon. La mélancolie ne sied qu’aux femmes : notre rôle éternel est de les égayer. Donc, rions ! Voyons, que pourrions-nous bien faire ? Si l’on carillonnait à quelque porte ?

— Oui, à la mienne, dis-je.

J’étais pressée maintenant de rentrer. Je songeais que, quoi qu’on fasse, l’ennui est toujours au bout de tout, qu’on ne lui échappe pas, que c’est peine perdue de forcer son imagination à des envolées pour attraper des apparences, des ombres de plaisir. Elles