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les trois, l’on causait du train dont va le monde, des intrigues, des aventures de presque toutes ces femmes dont le ménage est correct et qui mènent, à côté, avec une grande maestria, l’attelage quelquefois double de leurs amants. J’avais fini par ne plus protester ; j’écoutais, d’une morale indifférente, presque acclimatée à des mœurs qui ne me révoltaient plus.

Mes travaux se ressentirent de ce nouvel état d’âme. Je conçus des sentiments plus larges, et je créai des types plus vivants. Leur analyse m’entraîna en des recherches physiologiques et en des constatations qui modifiaient peu à peu mes opinions morales, reculaient les limites étroites de ma conscience en refoulant mes principes, que j’avais crus jusqu’alors immuables.

Cette croyance me venait de la base philosophique que je leur avais donnée, indépendamment de tout contrôle religieux. Aimer la vertu pour elle-même m’avait paru la façon la plus parfaite et la plus sûre pour l’aimer toujours. Et voilà que la nécessité de cette vertu m’apparaissait maintenant relative, déterminée par les circonstances, bonne en soi et pour soi, mais nullement exigible pour les autres, étant soumise aux faits qui en réglementaient la dose et l’opportunité.

Je ne pus m’empêcher de considérer l’acceptation de cette solution par ma conscience comme un désarmement ; et je me sentis un peu plus faible encore en présence de l’existence, mon ennemie, comme si, au milieu du combat, j’avais perdu mon bouclier.

Un soir de juin, en quittant l’hôtel de Mme de Bléry, Paul me proposa de regagner mon domicile à pied.

La nuit était admirable, nous allions lentement, comme pour mieux goûter toutes les sensations de cette libre promenade à travers Paris endormi. Je me