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— Voilà mon frère, dit-elle ; il paraît qu’il a une requête à te présenter.

Je balbutiai je ne sais quoi ; il me dit :

— La permission de venir quelquefois vous présenter mes hommages.

Et, ne me laissant pas le temps de répondre, il ajouta :

— Je n’aurais pas osé vous le demander, Louise m’ayant averti de la solitude presque absolue en laquelle vous vivez, sans même avoir un « jour » pour vos rares amis ; mais j’ai rencontré Raoul de la Farge, qui m’a dit être reçu par vous, et j’ai pensé qu’un vieil ami, un « pays » pouvait prétendre à la même faveur que ce jeune poète audacieux et chevelu.

— Oh ! fis-je, avec une extrême vivacité, M. de La Farge est venu, une fois, m’apporter son dernier volume de poésie, et j’ai bien été forcée de le recevoir, mais…

— Hé, s’écria Louise, m’arrêtant, pourquoi t’en défendre ? Tu as parfaitement raison d’accueillir ceux de tes confrères qui ont assez de courage pour affronter ton accueil, pas toujours gracieux, paraît-il ! Même tu devrais bien, entre nous, t’efforcer de retenir ceux qui témoignent d’une si rare audace, car tu seras enterrée, clouée toute vive dans ta solitude par l’indifférence de tes pairs, si tu t’obstines à les tenir ainsi à l’écart. Et, comme je suppose que ce n’est pas uniquement par amour de l’art que tu passes tes jours et tes nuits à te fourrer les doigts dans l’encre, il faut donc que tu consentes aux concessions nécessaires et qui t’aideront à tirer de ton travail autant de profit que de gloire. N’ai-je pas raison ? dit-elle à son frère.

— C’est selon, répondit-il en souriant, ce que tu appelles des concessions. Il en est — qui s’imposent